« Je n’ai plus envie de faire de consultations » : Le tabou des thérapeutes

J'en peux plus des consultations !

Il arrive un moment dans la vie d’un thérapeute où ce qui nous animait profondément au début de notre carrière, nous consume à petit feu.

Ce qui entraine des remises en question, un retour du syndrome de l’imposteur et même une dévalorisation de soi en tant que personne :

  • je ne suis même pas capable d’exercer mon métier correctement
  • je suis nulle, je ne suis pas à la hauteur
  • pourquoi moi j’y arrive pas ?
  • qu’est-ce qui cloche chez moi ?

On se compare à nos pairs qui eux enchaînent 8-10-12 patients par jour et on se dit “mais comment ils font ?”

Je ne le sais que trop bien pour être passé par là.

Après 2 ans en libéral, je sentais que j’arrivais au bout des consultations. J’adorais mon métier de psychologue, mais la façon de l’exercer ne me correspondait plus.

Peut-être que dès le début vous saviez que vous ne feriez pas ce métier toute votre vie.

C’était mon cas aussi, jusqu’au jour où j’ai compris qu’en fait si, mais pas comme on me l’avait appris.

Être thérapeute : une vocation qui peut conduire à l’épuisement

Pendant longtemps, j’ai cru que je n’aimais pas les gens.

Paradoxalement, j’ai toujours fait des jobs au contact de la clientèle.

Et, il est vrai que lorsqu’on se retrouve confronté à certains individus qui prennent au pied de la lettre l’expression “le client est roi”, on peut parfois être dégoûtée de l’être humain.

Et puis on reconnecte avec cette humanité quand un patient se retrouve face à nous dans notre cabinet et se livre à cœur ouvert. On est touché, et on n’a qu’une envie : l’aider.

L’impuissance du thérapeute

Mais on ne peut pas vouloir que nos patients aillent mieux plus qu’eux-mêmes et c ‘est parfois frustrant.

On passe des heures à lire, se former sur un sujet pour se rendre compte que la séance suivante, il n’a rien fait (comme les précédentes) ou pire, il nous a posé un lapin.

Autant de temps investi, autant de temps perso volé pour : rien.

Oui, c’est frustrant et décourageant.

Alors, on se remet en question.

On se demande si on n’a pas atteint une limite.

C’était mon cas.

Le matin, ma première pensée était “j’ai pas envie”

Face à certains patients, je surjouais mon bien-être pour compenser cette absence de motivation.

Suis-je une mauvaise psy si je ne suis plus capable de recevoir de patient dans mon cabinet ?

Finalement, être un bon psy, un bon thérapeute, est-ce vraiment faire des consultations toute sa vie ou savoir reconnaître nos limites à temps ?

Et oui, recevoir des patients peut devenir une limite.

C’est paradoxale n’est-ce pas ?

Ce serait comme un boulanger qui a fait une overdose de pain.

Il fallait que je me rende à l’évidence : je n’avais plus les ressources internes pour accompagner correctement mes patients.

Avoir un diplôme, des formations complémentaires, un cabinet, une patientèle établie ne suffit pas.

Le plus dur, c’est de dire STOP quand tout semble rouler.

Pourquoi arrêter quelque chose qui marche ?

Pour éviter de se faire marcher dessus.

Préserver sa propre santé mentale quand on est praticien

La santé mentale des thérapeutes est aussi importante que celles de leurs patients.

Il arrive parfois que le thérapeute ait épuisé toutes ses ressources, ait vécu un tournant dans sa vie qui l’a bouleversé et que continuer n’a plus de sens.

Ce n’est pas parce que tu peux continuer, que tu dois le faire.

Oui, mais qu’en dira t-on ?

Que vont penser mes collègues ?

Mes pairs ne comprendront jamais. Je vais être critiqué.

Tous thérapeutes à le droit de refuser un patient pour diverses raisons.

En général, la phrase magique c’est “ça dépasse le champ de mes compétences”

Et quand ça nous dépasse tout court ?

Si on se compare, on ne sera jamais assez.

Si on respecte le cadre, on va droit dans le mur.

Si on ne s’écoute pas, on meurt de l’intérieur.

Exercer son métier de thérapeute autrement pour s’épanouir

Et si la bouffée d’oxygène se trouvait dans ce qui est différent, controversé.

Doit-on rentrer dans le moule pour survivre ou s’affranchir du regard des autres pour vivre.

Et si en faisant les choses autrement, on inspirait, on donne implicitement l’autorisation aux autres de s’écouter aussi ?

Cet épisode, c’est le signe que tu attendais pour te choisir toi.

Parce que si tu ne prends pas soin de toi, tu ne pourras ni prendre soin de tes patients, ni de tes proches.

Alors oui, tu seras sûrement critiqué, mais tu seras épanoui, et tu aideras le monde à ta manière.

Pendant que les autres, te regarderont de travers jusqu’à ce qu’ils se prennent le mur parce qu’ils ont oublié de regarder devant eux.

Avoir un cadre, ça permet de survivre.

En sortir, c’est vivre.